Uno remarco forço interessanto de Christian Huber
Des générations d’Alsaciens l’avaient remarqué mais Michel-Paul Urban est le premier à en proposer une explication.
.
En Alsace, il y a le pays des heim et celui des autres : schématiquement, les noms de communes composés du suffixe -heim se concentrent essentiellement dans l’est, dans la plaine, appuyés le long du Rhin ; au nord, à l’ouest et au sud, les toponymes se terminent plutôt par des suffixes tels que -willer, -wihr, -bach ou -ingen.
Pourquoi ? Michel-Paul Urban apporte une réponse séduisante, qui portera peut-être à débat, dans sa Grande encyclopédie des lieux d’Alsace, publiée ces jours-ci (voir ci-dessous).
L’explication réside dans l’origine de ces suffixes : -heim est germanique (il signifie aujourd’hui chez-soi, domicile, foyer, habitation, et signifiait autrefois patrie d’une tribu) quand les autres sont prégermaniques ; les -willer et les -wihr, par exemple, viennent, comme ville en français, du latin villa (ferme, ensemble de fermes).
La carte des toponymes correspond alors, à en croire l’auteur, à celle de l’invasion de l’Alsace par les colons germaniques : la zone des -heim représenterait « les lieux gagnés par les Germains, notoirement les Alamans, sur les Gallo-Romains, et colonisés au cours des VI e et VII e siècles ». Les nouveaux venus ont renommé les sites qu’ils ont investis. Ainsi, Matzenheim s’était appelé Mazonivillare avant d’adopter définitivement le suffixe -heim.
Türckheim, "lou fougau di Turcs", es uno de las primièros bourgados germanicos
Quant aux Gallo-Romains, ils seraient donc restés présents à l’ouest, au nord et au sud, et auraient résisté bien mieux qu’on a pu le dire à l’invasion d’outre-Rhin.
On imagine volontiers qu’entre ces autochtones gallo-romains et les colons germaniques, dans l’Alsace du VIII e, la situation était plutôt tendue.
Et Michel-Paul Urban le confirme, là encore, en étudiant la carte des suffixes : il fait remarquer que des communes en -dorf sont concentrées dans des « zones de transition » entre les deux aires, surtout au nord et au sud de la zone en -heim, dans le pays de Hanau et le Haut-Sundgau.
Reichenweiher / Riquewihr, lou vilatge alsacian que fouguè lou vilatge lou mai jinte de Franço, sario estat germanisat mai tard.
Or, si Dorf signifie aujourd’hui village en allemand, son origine (le francique thorp, qui a donné troupe) évoque plutôt la chose militaire.
L’auteur estime donc que ces -dorf étaient « vraisemblablement des fermes fortifiées, abritant quelques hommes de troupe », et que celles-ci avaient un rôle pacificateur.
Car Charlemagne et ses successeurs se sont efforcés de concilier des cultures contraires : ils entendaient à la fois préserver les conquêtes territoriales germaniques et promouvoir l’héritage latin et chrétien issu du monde gallo-romain. Ces -dorf auraient donc été créés pour « faire tampon » entre les deux communautés, là où les oppositions étaient les plus marquées.