par Felibre d'Auvernho
Le chanteur de cette vidéo est très bon, musicalement autant que dans la prononciation de son parler du Haut-Limousin (87) :
http://www.youtube.com/watch?v=YPoJVc2U4aA&feature=related
Acò’i la musico de noùsti « esclops »*, sabet la chansou que dis :
(*prononcez /lij içhklo/)
« Quont ti coustèrou, quont ti coustèrou, quont ti coustèrou lis esclops
quand èrou, quand èrou, quand èrou niòus ? »
Vaqui las paraulos que chanto :
Su la mountanho, … dòu Mount Gargan
Coula la sourça, … dòu Boèi Sublat,
Din lou temp soanhavo las malaudias,
Lou temp passo las soanho d’engueras.
Su la mountanho i o no chapèlo
Qu’ei Noitro-Damo de Boun Secours,
Abans èro fièro su soun autour
Uèi ei eiboulhado e l’aime toujour.
Lou Mount Gargan souvent din l’annado
Vezio passa las bargiras,
Là fazian pèisse vachas e oelhas,
Chantavan en jou(g)ant din l’eitoulhas.
Ж
Vous bouti las paraulos en auvirnhat de chas iéu (parçô de Plèus-Salèr)
Soubre la mountonho, … del Mount Gargan
Rajo la sourgo, … del Bosc Sublat,
Dien lou tenp curabo lei malautios,
Lou tenp passo lei curo inquèro.
Soubre la mountonho i o na chapèlo
Qu’es Nousto-Damo de Boun Secours,
Abons èro glouriouso soubre soun aussado
D’uèi es darouchado e l’eimi toujour.
Lou Mount Gargan souvent dien l’annado
Vezio passa las pastouros,
L’i faziou paisse lei vacho e lei fedos,
Chantabou en jougant dien lis estoulhos.
Ж
Las diferéncios
En dehors des quelques différences de vocabulaire
ce qui sépare nettement le limousin de l’auvergnat
c’est :
- la conjugaison :
- la « morphologie » ou forme des mots
Ж
- La conjugaison :
N’entrons pas dans le détail de toutes les différences, elles sont tellement importantes que nous sommes obligés de parler français entre nous si nous n’avons pas appris les conjugaisons de l’autre parler.
Ici on voit « fazian » et « chantavan » qui peuvent aussi bien vouloir dire « nous faisions » et « nous chantions » que « elles faisaient » et « elles chantaient ».
De même au présent le haut-limousin dit « chantan » ou « chanten » selon l’endroit à la fois pour « nous chantons » et pour « ils chantent »,
Alors qu’en auvergnat nous différençons bien au présent :
« chantan » (nous chantons) de « chantou » (ils chantent)
et à l’imparfait :
« chantavan » (nous chantions) de « chantavou » (ils chantaient)
« fazion » (nous faisions) de « faziou » (ils faisaient) en Haute-Auvergne
« fazian » de « faziount » en Basse-Auvergne
« fazion » de « fazioun » en Velay
« fazion » de « faziòu » en Gévaudan.
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- la morphologie :
Le plus spectaculaire sont ces mots qui déplacent l’accent tonique au pluriel :
« lo vacho » fait au pluriel « las vachas » avec déplacement de l’accent tonique sur la fin.
Remarquez que le –s de l’article « las » est muet.
Ça se fait très localement dans le nord de la Basse-Auvergne (63)
C’est systématique en Haut-Limousin (87, 23) auquel se rattache le parler du Périgord Vert (Périgueux, Bergerac) mais pas celui du Périgord Noir (Sarlat) qui est guyennais.
En Langue d’oc locale Périgueux s’appelle « Peiriguer » /peyrigoe/ avec un « oe » plus ouvert que le « eu » français de Périgueux, et Bergerac s’appelle « Brageirac » /bradzeyra/.
Sarlat s’appelle « Sarlat » /chorla/.
Donc « lo malaudio » fait au pluriel « las malaudias »
Remarquez que le chanteur prononce le « au » comme en français dans ce mot ainsi que dans le mot « autour », alors qu’en auvergnat nous disons « aou » et parfois « ouw ».
Ce déplacement d’accent est tellement surprenant, même quand on en est informé à l’avance, que je n’ai pas compris dès la première écoute ce qu’était /la bardjira/.
Conclusions :
les différences entre auvergnat e limousin sont suffisemment fortes
pour qu’on parle bien de deux parlers ou dialectes différents.
(et non pas d’un « nord-occitan » indistinct comme le font les séparatistes « occitans » méridionaux)
Néanmoins, on ne passe pas brutalement de l’auvergnat à cette
forme de limousin.
Par exemple l’est de la Corrèze jusqu’à Meymac ne fait pas ce déplacement d’accent et dit « la vacha » au singulier et « las vachas » au pluriel en prononçant /la vatsa/ et /las vatsa/ sans déplacement d’accent, exactement comme dans les vallées cantaliennes de la Santoire et de la Rhue. (si on ne tient pas compte du V prononcé B dans le Cantal)
La même zone corrézienne différencie « chantan » de « chàntoun » comme en Velay.
Alors, me direz-vous, pourquoi ne considère-t-on pas que l’est de la Corrèze parle auvergnat ?
Certains linguistes amateurs le disent, et pas sans raisons, comme vous le voyez.
Pour ma part, je considère que cette zone est quand-même limousine :
- par son vocabulaire
- et par sa morphologie.
En effet, en auvergnat nous disons « la nueit, lou lèit, l’obro qu’èi faito… »
Et toute la Corrèze dit « la nuech, lou liech, l’obra qu’èi facha »
/la nwé, lou lyé, l’obra qu’èi fatsa/
Amm’ acò me remembri que quand èri pichou, entendio be li gents de Meymac amai se cado mot èro un pauc diferent di nòstri.